Pasteur plein de zèle à une époque trouble de l’Église de Carthage, Cyprien († 258) a lutté corps et âme pour l’unité et le salut de ses fidèles. Sa vie couronnée par le martyre et ses écrits où l’on peut déjà admirer les caractéristiques du “latin chrétien” ont fait de lui un témoin privilégié de la Tradition. Nous avons voulu ici approfondir la conception de la nature et de la fonction de l’Église qui se dégage de sa pensée et de son action pastorale à partir de l’image de “mère”.
En effet, Cyprien considère l’Église comme l’unique voie du salut. Il voit la modalité concrète de l’exercice de cette médiation salvifique dans la maternité de l’Église. L’Église, pour ainsi dire, engendre (par le baptême), nourrit (par l’Eucharistie et par la Parole), corrige (par la pénitence) et conduit les fidèles à Dieu. Tant il est vrai que nul ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Église pour mère, selon la belle expression de Cyprien: “Habere iam non potest Deum patrem qui Ecclesiam non habet matrem” (De ecclesiae catholicae unitate 6). Aussi s’avère-t-il important de demeurer dans le sein de l’Ecclesia mater, qui est en outre l’épouse du Christ, dont elle possède exclusivement les prérogatives. Nul ne peut se dire chrétien sans lui appartenir. Ces affirmations prouvent que la pensée ecclésiologique de Cyprien peut s’articuler autour de l’image d’Ecclesia mater en particulier, ou de la maternité de l’Église en général.
Après quelques considérations préliminaires concernant l’état de la question et la méthodologie, nous avons analysé l’emploi du terme mater (ecclesia) et des expressions parallèles chez Cyprien, avant, dans un second moment, d’en examiner les implications théologiques. Souvent négligée dans les études ecclésiologiques sur Cyprien, l’image d’Ecclesia mater peut à notre avis en constituer une catégorie interprétative, d’autant plus qu’elle renvoie à une certaine conception trinitaire, à l’économie sacramentelle et à la sotériologie. L’étude de la “réception” de Cyprien dans l’Église antique a confirmé cet état de fait. Du reste, nous sommes convaincu que, malgré ses limites, la doctrine ecclésiologique de l’Évêque de Carthage représente encore aujourd’hui un précieux patrimoine non seulement pour l’histoire des dogmes et la théologie positive, mais aussi pour la liturgie, la pastorale, l’œcuménisme, ou la vie de l’Église tout court.